Bernardo Atxaga

Comme une toile s’étend la vie,
sur la toile encore plus vaste du temps;
parfois, entre les fils brillants,
apparaît un fil inattendu, étrange.

Ainsi dans la vie de Paco Ibáñez,
ainsi sur sa toile,
tissée, oui,
dans les rues de Paris,
sur la scène de l’Olympia,
en compagnie de Brassens,
dans la maison de Moustaki ou de Saura,
dans le travail de prodiguer des quevedos et des góngoras
comme celui qui livre le lait de porte en porte;

mais tissée aussi, c’est là le fil le plus étrange,
sur une colline du Pays basque,
où cet homme,
qui n’était alors qu’un enfant,
gardait les vaches et les veaux,
ramassait l’herbe au râteau,
égrenait les épis de maïs,
remplissait les sacs de pommes rouges,
cherchait les oeufs cachés des poules;
sur une colline du Pays basque
où il parlait aussi,
surtout, avec son ami l’âne
en lui disant, à peu près,
ces mots de Francis James:
“J’aime cet âne, si bon,
qui avance entre les buissons de houx.
Harcelé par les abeilles,
il bouge les oreilles;
il porte des sacs d’orge
et les pauvres sur son dos.
Il trotte entre les fossés,
et son pas se brise.
Comme il est poète, il pense
qu’il est sot, mon amie.
L’âne réfléchit,
avec ses yeux de velours.
Toi, petite fille à l’âme pure,
tu n’as pas sa douceur... “

Je résume, maintenant, ce que je dis:
sur la toile tissée par la vie de Paco Ibáñez,
la toile d’un artiste qui est venu de Paris,
un fil correspond à un enfant paysan,
du hameau Apakintza de Aduna, au Pays basque,
un enfant qui, maintenant, devient soudain visible
et se manifeste par chacun de ses mots
chantés en basque
pour la joie
- ainsi le dirait Francis James -
de son âne, Astua, qui est aux cieux,
et pour notre joie à tous, nous qui,
avec notre charge sur le dos,
vivons ici, non loin d’Apakintza.

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